Des murs blancs, des murs gris, parfois de grands aplats de couleurs apaisantes, que dire d'autre des murs d'un parking ? Les "garages modernes" et autres "hôtels pour automobiles" ont connu leurs heures de gloire architecturales, dans les années 1930-1950. À tous points de vue, en devenant souterrains, ces entre-deux si symboliques de la société de consommation ont perdu panache et singularité.

 À la fin du XXe siècle, les objectifs de maximisation spatiale ont banalisé les approches conceptuelles. Avec les mêmes intentions économiques, l'innovation vient désormais de la technologie (la mutualisation des places, le stationnement autonome, etc.). Quand d'autres lieux de flux, les gares notamment, ont été parés de grandioses fresques, le parking demeure le grand oublié de la commande artistique, publique ou privée.

L'art au service du marketing expérientiel

En témoignent des exemples de plus en plus fréquents de live-paintings autorisés et même sollicités dans les parkings de centres commerciaux, notamment à Sidney, à Dublin, à Miami ou à Detroit, l'innovation explore de nouveaux champs, plus ouverts au monde, apportant la création dans un endroit où on ne l'attendait peut-être plus.

Lieu fonctionnel, le parking est aujourd'hui perçu comme un seuil décisif dans l'expérience de l'usager, voire le miroir sensible de l'espace urbain extérieur, qu'il s'agisse de sécurité, de confort ou de créativité. Le mot d'ordre semble y être : l'harmonie, sans l'ennui. À Luxembourg, dans le nouveau parking du centre-ville, le mécénat du Royal-Hamilius vient de pousser plus loin encore cette approche consumer centric et programmiste qui guide désormais tous les nouveaux lieux urbains - les appels à projets innovants du Grand Paris en sont l'exemple. Ce sont ainsi six artistes contemporains internationaux (Valentina Canseco, Gaëtan Henrioux, Kosta Kulundzic, Dorothée Recker, Axel Sanson et Lise Stoufflet) qui ont été invités à composer librement douze grandes fresques à même les murs du parking souterrain.

 Symboliquement, cette réappropriation artistique des murs d'un parking exploite tous les codes du marketing expérientiel et de la création performative : par la théâtralisation du lieu, par la création d'un parcours pérenne, par une approche picturale onirique et joyeuse (les thèmes sont largement universels) qui invite au bien-être ou encore la proposition de décors instagrammables quels que soient les publics (le dernier lieu oublié des selfies), les cinq sens des usagers sont bien mobilisés. Dans ces nouveaux parkings, on pourrait presque passer une Nuit Blanche. En matière d'événementiel, le champ des possibles devient considérable.

Le parking : un lieu de soft power artistique

Sur le temps long, la présence de l'art dans les projets immobiliers n'a rien de nouveau, on en trouve déjà des traces dans la Méditerranée antique. L'intérêt de cette présence supplémentaire de l'art contemporain dans l'espace urbain réside d'une part dans son affranchissement des recommandations publiques (en France, le 1 % artistique ou aux États-Unis le "percent-for-art ordinances"), d'autre part dans le choix d'espaces résiduels (les murs des parkings) totalement avant-gardistes.

Au sens propre et figuré, l'art à même le mur devient un actif tangible. Il est créateur de valeur, cela se prouve. À l'avenir, à l'échelle de surface de parking disponible, c'est indéniablement un potentiel considérable, qui peut imposer les promoteurs immobiliers comme de nouveaux acteurs du marché de l'art, au même titre que les musées ou les galeries.

Un soft power évident : depuis quelques années, du fait notamment de la puissance d'acteurs privés, le marché de l'art contemporain a tourné en faveur d'artistes anglo-saxons ou chinois. On le voit notamment à leur présence majoritaire dans les grandes foires internationales.

À Luxembourg, ville cosmopolite, l'invitation d'artistes internationaux, d'origine franco-européenne, dessine aussi, au-delà de l'innovation marketing et de la création de valeur immobilière, les contours d'un nouveau mécénat européen.